Une absence, Crohn et moi.

Il y a 15 ans on m’a diagnostiqué la maladie de Crohn et c’est là que j’ai rencontré celui qui allait devenir mon colocataire pour toute une vie. Dorénavant, il fallait vivre avec un inconnu.

Nous avons passé de très belles années ensemble. On s´engueulait parfois à cause d’un repas qui avait mal tourné ou d’un voyage qui lui avait paru trop long. Mais globalement la vie s´écoulait avec douceur. Jamais de gros conflit, tout était calme… Il m’a laissé faire, il m’a laissé vivre, être amoureuse, avoir une carrière, avoir mon bébé, reprendre des études et voyager.

Un jour, excédé par tous ces déménagements, il a fait une grosse colère. Là, tout s’est écroulé : notre bel équilibre, ma vie, mon corps…

Selon lui, j’étais devenu trop insouciante et je n’avais pas respecté nos accords. Je ne l’écoutais plus, je n’écoutais plus ce corps qui criait. Je paierai de ma chair ! C’était la guerre ! Et, il savait très bien me torturer : des jours, des mois, une année entière de souffrances. On ne cohabitait plus, il mettait à sac notre maison. Il prenait toute la place et, moi, je disparaissais à vue d’œil.

Puis, il y a eu l’hospitalisation. Il avait déjà presque tout cassé. Mes jambes ne me soutenaient plus. Je franchissais la porte de l’hôpital à bout de forces. Je ne faisais plus que le poids d’un enfant.

Il faut absolument opérer. L’état général est catastrophique, l’infection se propage et les médecins n’arrivent pas à évaluer l’étendue des dégâts. La tension est palpable. Et pendant une semaine, on va nous préparer Crohn et moi avant de tenter de nous réparer.

C’est le jour de la chirurgie. Je suis dans la salle attenante au bloc opératoire, mon corps est accroché à des fils et je dois patienter. C’est à ce moment-là que j’ai pris la décision qui allait changer ma vie. J’aurais pu m’écrouler, paniquer, me mettre à pleurer mais j’ai choisi de fermer les yeux et de me concentrer sur ma respiration : je méditais. A ce moment précis, j’ai à nouveau fait confiance à mon corps et j’ai tendu la main à mon colocataire en signe de paix.

La chirurgie nous a réparé. Et main dans la main nous avons continué notre chemin. Cette fois-ci, c’est en totale harmonie que nous avons décidé de reconstruire et de repeindre notre maison. Chacun y a trouvé sa place. Comme avant ? Non, surtout pas comme avant !

Cette fois, j’ai fait rentrer de l’air et du soleil dans notre nouvelle maison. J’ai changé.

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